Pour la paix, un parc de jeux à Anata (Cisjordanie) en mémoire d’Abir

De Cristina Del Biaggio, Université Grenoble Alpes et Laboratoire Pacte, juillet 2024

Source: Associated Press (AP), « Family of Palestinian girl killed by Israeli troops a year ago hold memorial », 09.02.2008.

C’est cette citation que Colum McCann décide de reprendre, à la lettre, dans son livre, Apeirogon (McCann, 2020, p.339). Apeirogon est composé d’un ensemble de fragments que l’auteur rassemble, en se prenant, comme il l’annonce dans introduction de l’ouvrage, la liberté de « modeler et transformer » les mots et les mondes de Bassam Aramin et Rami Elhanan.

Bassam et Rami sont amis, unis par le deuil lié à la perte de leurs filles : Abir, tuée par balle par un soldat israélien, et Smadar, morte dans un attentat kamikaze commis par trois Palestiniens.

« Vous devez comprendre combien il était dangereux pour eux d’aller à Anata. »

C’est ainsi que l’auteur McCann décrit le moment de l’inauguration, en 2008, de l’aire de jeu tel que vécu par Bassam. Il ajoute :

« Je devais assurer leur sécurité. Ils ont construit une aire de jeu à son nom, dans l’école où elle a été assassinée. Ils ont creusé la terre. Ils ont posé la plaque. Ils ont installé les toboggans, un bac à sable. Ça leur a pris deux week-ends. » (McCann, 2020, p.340)

Sur un mur de l’aire de jeu, une plaque intitulée « Aire de jeu en mémoire de Abir Aramin » a été apposée, avec ce texte qui détaille la manière dont Abir a été tuée, l’impunité de ce crime et l’espoir d’un futur sans haine :

« 16 janvier 2007. Abir est sortie de son école pour acheter des produits à l’épicerie située de l’autre côté de la rue. Elle a été mortellement touchée à l’arrière de la tête par des soldats israéliens qui passaient par là. Après 3 jours d’hospitalisation, Abir est décédée. Jusqu’à ce jour, les meurtriers n’ont pas encore été jugés. Souhaitons-nous que les liens puissent diminuer un peu la haine qui tue depuis tant d’années les enfants de Palestine. »

Source: Associated Press (AP), « Family of Palestinian girl killed by Israeli troops a year ago hold memorial », 09.02.2008.

L’initiative de construire une aire de jeu en mémoire de Abir a été promue par l’association Rebuilding Alliance, en collaboration avec Combatants for Peace (C4P). Elle a permis de récolter des dons pour construire d’autres aires de jeu pour enfants, à la mémoire d’Abir, « Abir’s Garden Playgrounds for a Safe Place to Grow » (Les aires de jeu du jardin d’Abir pour un endroit sûr où grandir) :

« L’idée est de fournir aux enfants palestiniens et israéliens un endroit sûr pour jouer et grandir. Et de leur donner le droit de vivre pleinement leur enfance loin des ombres de l’occupation »,

annonce Rebuilding Alliance sur son site web.

Cette aire de jeu est un « symbole pour la paix construit ensemble par des Palestiniens et des Israéliens », commente Bassam Aramin dans la vidéo publiée par l’agence Associated Press (AP). Rami est aussi présent le jour de l’inauguration du parc de jeux, il prend la parole devant la caméra pour dire que, pour atteindre la paix, il faut premièrement en finir avec l’occupation, et, deuxièmement, arrêter l’utilisation de la violence de la part des deux parties.

Bassam et Rami sont désormais unis par leur incessant combat non-violent pour la paix. Le journal Le Jours a récemment publié un entretien croisé des deux protagonistes que la journaliste a intitulé « Il ne peut pas y avoir de coexistence entre un dominant et un dominé », d’après les mots de Rami Elhanan.

Bassam ajoute, dans la même veine, « la coexistence, la paix, ça ne peut pas exister sous l’occupation ». Une paix qui se bâti, aussi, concrètement, en aménageant des espaces de jeux pour les enfants. Comme l’affirme Donna Baranski-Walker, fondatrice de Rebuilding Alliance, « la famille Aramin voulait aider les ami·es d’Abir, car son pupitre serait désormais vide à l’école ». C’est ainsi qu’est née l’idée de construire des aires de jeux, afin d’offrir à des enfants un endroit sûr pour jouer, en mémoire d’Abir.

Références:

• McCann Colum, 2020, Apeirogon, Belfond, 646 p.
• Gauthier Charlotte, 2024, « Il ne peut pas y avoir de coexistence entre un dominant et un dominé », Les Jours, 08.05.2024. En ligne : https://lesjours.fr/obsessions/israel-hamas-palestine-guerre/ep12-interview-rami-elhanan-bassam-aramin/