Actualité des dénonciations de féminicides dans l’espace public : Un site sportif dédié à Rebecca Cheptegei à Paris et autres initiatives en France et Italie
De Cristina Del Biaggio, Université Grenoble Alpes et Laboratoire Pacte
La Ville de Paris dédiera un site sportif à Rebecca Cheptegei (Figure 1), coureuse de fond ougandaise brûlée par son ancien compagnon à 33 ans, le 5 septembre 2024, quelques jours seulement après que l’athlète fut rentrée des Jeux Olympiques, où elle avait notamment participé au marathon en arrivant 44ème.

Figure 1. Rebecca Chptegei. Photo : Johann Conus / Wikimedia commons
« Paris ne l’oubliera pas. Nous lui consacrerons un site sportif pour que sa mémoire et son histoire restent parmi nous et contribuent à porter le message de l’égalité, qui est un message porté par les Jeux olympiques et paralympiques »,
a déclaré Mme Hidalgo lors d’une conférence de presse[1].
Pas de précisions dans la presse sur quel site sera consacré à l’hommage de Rebecca Chptegei, mais les lieux ne manqueront pas, une fois que le rideau se refermera sur les jeux (para-)olympiques.
À Paris, il y aura ainsi un lieu où la violence sexiste et patriarcale sera rendue visible par l’affichage d’un prénom et d’un nom de la victime. Une victime célèbre à côté de centaines d’autres dont on ne connaît pas l’identité et qui, relayées à la section « faits divers » dans la presse, sont invisibilisées dans les discours médiatiques. Et dans l’espace public.
Afin de rendre hommage publiquement aux victimes de ce phénomène social, différents collectifs en France ont adopté la technique du « collage féministe », un « moyen d’expression militant consistant à coller sur les murs de l’espace public des messages féministes », dit wikipedia[2]. Parmi les messages véhiculés par ce moyen, celui du décompte des féminicides (Figure 2).

Figure 2 Collage féministe à Grenoble, 03.01.2020. Photo : Cristina Del Biaggio
En Italie, ce sont les « panchine rosse » (bancs rouges) (Figure 3) qui remplissent ce rôle de dénonciation de la violence contre les femmes dans l’espace public. Elles sont désormais présentes dans grand nombre de commune sur tout le territoire de la péninsule.

Figure 3 « Panchina rossa » à Campli (Abruzzes), 07.08.2020. « Nous avons été aimées et détestée, adorées et reniées, embrassées et tuées seulement parce que nous étions des femmes » (poème de Alda Merini). Photo: Cristina Del Biaggio
En Italie toujours, une autre initiative a vu le jour dans le même but de dénonciation des féminicides. La campagne « posto occupato » (place occupée) « est un acte concret dédié à toutes les femmes victimes de violence. Avant qu’un mari, un ex, un amant, un inconnu décide de mettre fin à leur vie, chacune de ces femmes a occupé un siège au théâtre, un siège à l’école, dans le métro, dans le bus, a occupé une place dans la société. Par ce geste, nous voulons leur réserver leur place pour que jamais elles ne tombent dans l’oubli »[3].
Dans des espaces semi-publics, comme les lieux de culte (Figure 4), une affiche explique la démarche et occupe visuellement un espace qui ne peut plus être occupé par une femme dont la vie a été brutalement arrêtée par un homme violent.

Figure 4 Une « place occupée » dans le Temple vaudois de Turin, 14.08.2024. Photo : Cristina Del Biaggio
Un site sportif dédié à une athlète dont le prénom et le nom seront inscrits sur une plaque ou une place publique symboliquement occupée par celles qui ne sont plus, toutes ces initiatives contribuent à rendre visible, par le marquage des lieux, un phénomène social invisibilisé : le féminicide.
Références académiques qui documentent et analysent les performances dédiées à la question des féminicides dans l’espace public (liste non exhaustive) :
- Bonjean Laura, 2024, From Vandalized Walls to Feminist Narratives, Re-producing Social Space to Resist Feminicide: A Comparative Analysis of Mexico City and Paris feminist activism through street graffiti and collage, Mémoire de Master, 131 pp.
- Guellier Mathilde, 2022, “‘Tu fais un truc qui n’est pas légal mais qui est légitime en fait’ : coller contre les féminicides“, Mouvements, 4/112, pp.158-166.
- Lapalus Marylène, 2017, “Le scratche, une stratégie de résistance à la violence masculine. Réplique militante contre le féminicide à Mexico“, Nouvelles questions féministes, vol.36, pp.66-81.
- Mallah Alexandra, 2024, “Les collages contre les féminicides : le signe de l’appropriation de l’espace public“, Mosaïque, 21.
- Simard Mélissa, 2016, “De l’autoroute des larmes à la Terre de Feu. Performances et installations à l’attaque du féminicide et de la violence sexuelle“, Inter, 122, pp.22-25.
Notes:
[1] https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/060924/anne-hidalgo-annonce-que-paris-rendra-hommage-cheptegei
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Collage_f%C3%A9ministe
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
neotopo (12 septembre 2024). Actualité des dénonciations de féminicides dans l’espace public : Un site sportif dédié à Rebecca Cheptegei à Paris et autres initiatives en France et Italie. NEOTOPONYMIE/NEOTOPONYMY. Consulté le 11 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12acv
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