L’offensive toponymique trumpiste : affirmation d’un projet suprémaciste et impérialiste tous azymuts
Le titulaire de la chaire UNESCO en toponymie inclusive “dénommer le Monde” est l’auteur d’une tribune dans Le Monde sur l’offensive toponymique suprémaciste de la nouvelle présidence états-unienne vis-à-vis du golfe du Mexique, renommé golfe de l’Amérique.
Cette offensive complète la salve de déclarations impérialistes consistant à revendiquer de manière hostile et non partenariale les territoires ou ressources des pays voisins en principe alliés des Etats-Unis. Elle acte également la volonté de revenir sur une approche inclusive des rapports à l’histoire et la géographie en imposant ou réimposant partout les références à la Colonisation européenne au détriment des références autochtones et en l’occurrence préhispanique. Enfin, elle est à rapprocher des déclarations d’Elon Musk hostiles aux plates-formes collaboratives. Ces dernières (comme Wikipédia et OpenStreetMap) étant à l’ère numérique susceptibles d’arbitrer d’éventuelles controverses toponymiques et donc cartographiques et territoriales, à partir de connaissances et de savoir stabilisés.
Nouvelle dénomination du golfe du Mexique : « La toponymie est à l’avant-garde d’un projet impérialiste et suprémaciste aux conséquences incommensurables »
Si l’annonce par Donald Trump de sa volonté de rebaptiser le « golfe du Mexique » en « golfe d’Amérique » ne sera pas aisée à mettre en œuvre, elle trahit les ambitions néocolonialistes du futur locataire de la Maison Blanche, estime le géographe Frédéric Giraut dans une tribune au « Monde ».
La réponse cinglante de la présidente mexicaine, dès le 8 janvier, à l’annonce de Donald Trump rappelle le besoin de stabilité et de respect dans les relations internationales et leurs références géographiques, issues de processus historiques et de compromis précieux.
L’offensive toponymique se concrétise avec le décret présidentiel du 20 janvier intitulé “Restoring Names that Honnor American Greatness“. Celui-ci reprend les deux revendications toponymiques déjà annoncées : changer Mont Denali en Mont McKinley et changer golfe du Mexique en golfe d’Amérique. Il ajoute des mesures visant à changer la composition du Board on Geographic Names pour mettre en place une politique généralisée
to promote the extraordinary heritage of our Nation and ensure future generations of American citizens celebrate the legacy of our American heroes. The naming of our national treasures, including breathtaking natural wonders and historic works of art, should honor the contributions of visionary and patriotic Americans in our Nation’s rich past.
Suite à ces annonces reprises spectaculairement durant la cérémonie d’intronisation présidentielle, des articles sont venus préciser les modalités, les enjeux et les limites de cette initiative. On signale notamment ceux de :
- Philippe Bernier Arcand dans Acadie Nouvelle intitulé “Le combat toponymique de Donald Trump” ;
- Clive Shofield dans The Conversation intitulé “Yes, Trump can rename the Gulf of Mexico – just not for everyone. Here’s how it works”
- dans The Conversation intitulé “Can Trump just order new names for Denali and the Gulf of Mexico? A geographer explains who decides what goes on the map”
- Xavier Regnier dans 20 minutes intitulé “Etats-Unis : Donald Trump peut-il vraiment renommer le golfe du Mexique comme il le veut ?”
- Daniel Hubert du média en ligne Watson sur la revendication toponymique trumpiste et ses précédents ainsi que ses conditions de faisabilité ; il est intitulé: “Trump peut-il vraiment rebaptiser le golfe du Mexique ?”
Les services de documentation du Congrès (Congressional Research Service) ont réalisé fin janvier une note très détaillée intitulée Trump Administration Actions: Geographic Naming sur les prérogatives de la Présidence, du Congrès et du Board on Geographic Names (avec un tableau de son organisation interne) en matière de changements de noms de lieux ainsi que la jurisprudence états-unienne en la matière. Ils
Epilogue: Google Maps que nous indiquions comme véritable arbitre au niveau international annonce le 28 janvier qu’il va porter le nom de Golfe d’Amérique sur ses cartes aux Etats-Unis, laisser Golfe du Mexique au Mexique et faire un double affichage partout ailleurs. Les premières déclarations, ou plutôt indiscrétions, laissent entendre que le premier nom sera golfe du Mexique suivi entre parenthèse par golfe d’Amérique.
Google invoque une règle générale, or pour ce qui est des dénominations maritimes controversées en Asie, la dénomination Mer de Chine Méridionale apparait seule sur la version française de la carte Google, et plus au Nord si Mer de l’Est apparait, c’est uniquement une fois zoomé et entre parenthèse sous Mer du Japon qui est mentionné seul ou en premier par défaut. Dans un autre registre, c’est la translittération d’après le russe (Kiev) qui apparait en premier pour la capitale ukrainienne, malgré les demandes du pays concerné d’utiliser Kyiv d’après l’ukrainien.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
neotopo (8 janvier 2025). L’offensive toponymique trumpiste : affirmation d’un projet suprémaciste et impérialiste tous azymuts. NEOTOPONYMIE/NEOTOPONYMY. Consulté le 11 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/131ib
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